Je vais déborder...

J’ai plus de mot. Tout est embrouillé dans ma tête. Tout est sombre.
Le compteur tourne. Impossible de l’arrêter. Tous les jours ça me fait flipper. Haïti : 200 000 morts. 2 et 5 zéros. C’est ENORME. Puis tous les jours on en rajoute. Aujourd’hui 212 000... Je le sais pcq en classe la prof de français nous a demandé de faire une revue de presse. On coupe dans les journaux, on imprime d’internet puis on empile les articles. Les histoires. Pas d’autre classement que le temps. Un jour vient effacer un autre. Mais en mwa, ca reste là... ça ne s’efface pas en fait. Ca se rajoute. Ca fait comme un poids qui grossit tout les jours et que je ne peux pas empêcher de grossir.
Et je sais pas kwa dire... j’écoute, je regarde, ça rentre en mwa... et ça reste. Dedans. Au plus profond. Partout.
C’est comme si mwa j’étais un évier et qu’on avait allumé un robinet. Et y a pas de bouchon dans cet évier. Je me rempli, je me rempli mais y a pas de porte de sortie. L’eau monte. J’arrive pas à faire sortir. Je sais pas ce qu’il va se passer... c’est comme si j’avais plus le contrôle...
Puis y a ces histoires d’éco dômes. J’ai fait le calcul. Si on peut mettre 5 personnes par éco dôme et qu’il y a 1 400 000 de sans-abris actuellement... ca fait 280 000 éco dômes... faut 10 000€ pour un éco dôme... donc au total, on devra vendre des gaufres pour gagner 280 000 X 10 000 = 2 800 000 000 même ma calculatrice a pas un écran assez long pour inscrire ça... on y arrivera jamais... C’est juste pas possible !
Alors quand je dis ça les autres me disent qu’ « on va pas en construire pour tout le monde », qu’ « on est pas la pour sauver le monde mais il faut quand même commencer par quelque chose »,...
Ok mwa je veux bien mais... QUI on va choisir pour mettre dans notre éco dôme ? Et pq plus lui que elle ou elle que lui ? C’est pas juste...
Du coup, ça me paralyse, j’ai plus envie de rien faire... même plus de vendre aucune gaufre.
Et quand les autres en parlent en classe, mwa, je dis plus rien. Je suis scotchée...

Commentaires

Bonjour 100drine, J'ai plaisir à te lire, j'apprécie ta façon d'écrire : tu décris bien les situations et sentiments de protagonistes. Je ne me permettrai pas de te donner un conseil quelconque sur ce que tu peux (ou pas) ou ce que tu dois (ou pas) faire pour les sinistrés d'Haïti. J'ai eu les mêmes interrogations quand je suis allée en vacances dans un des pays les plus pauvres au monde, et je n'ai pas trouvé de solution satisfaisante à ce jour. En revanche, j'aimerais te dire quelque chose concernant le fait que tu gardes tout à l'intérieur de toi. Je pense que ce n'est pas une bonne chose : il serait préférable que tu exprimes tout ce que tu ressens à haute voix, à quelqu'un d'attentif et bienveillant, ce serait mieux. Pas pour trouver une solution, pas pour que la personne qui t'écoute te réconforte, juste pour que tes émotions sortent, histoire de faire redescendre le niveau de l'eau. Si cela peut t'être d'une quelconque utilité, voici un petit conte que j'apprécie : ll était une fois un sage très érudit qui avait coutume d'écrire au bord de l'océan et de consacrer de longues heures de marche le long de la mer à de profondes réflexions et méditations. Un jour qu'il marchait près de la mer, il vit au loin une forme humaine qui avait l'air de danser. En se rapprochant, il constata que la forme humaine ne dansait pas. Elle se penchait, ramassait quelque chose et courait le jeter dans l'océan. À portée de voix, il interpella ce qui s'avérait être un jeune homme : Que faites vous ? Et le jeune homme de répondre : Je remets des étoiles de mer dans l'océan. Comme elles ont manqué la marée descendante, elles mourront si je ne les remets pas à la mer. Notre sage fit observer gentiment au jeune homme qu'il y avait des kilomètres de plage et que son action n'aurait aucune influence significative sur le destin de toutes ces étoiles de mer. Après avoir écouté avec respect, le jeune homme se pencha de nouveau, saisit une étoile de mer et alla la lancer dans la mer. En revenant, il déclara à notre sage : "Pour celle que je viens de lancer ça change tout." Le jeune homme avait fait un choix. Au lieu de rester observateur du monde, il avait choisi d'en être un acteur et de changer les choses. Le lendemain, après avoir été tourmenté par les remarques du jeune homme, le sage se leva, retrouva le jeune homme et consacra le reste de la journée à remettre des étoiles de mer dans l'océan. ___ Nous devons nous aussi trouver nos étoiles de mer et les rendre à l'océan avec sagesse et habileté. Une vision sans action demeure un rêve. Une action sans vision est un passe-temps. Une vision avec action peut changer le monde. (Auteur inconnu)

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