... ne rien faire.
Je me rappelle si bien de ce jour là. Pourtant, la date n'est plus claire dans ma mémoire. Je me rappelle seulement d'une froide journée d'hiver, durant mon année de 4ème. Nous étions en semaine, puisque j'avais cours ce jour là, et comme à mon habitude pour revenir chez moi, je prenais le bus, puis le tram, puis le bus encore une fois. Chaque jour aux mêmes heures, les quais du tramway étaient bondés de monde, mais ce jour là était correct pour une rare fois. Il y avait des têtes que je voyais régulièrement, qui prenaient les mêmes transports que moi, mais dont je ne connaissais jamais le nom. A force, j'avais pris l'habitude de regarder les gens attentivement, et lire dans leur regard. Mais ce petit jeu me lassait au bout d'un moment.
Mais ce jour là, j'ai bien fait de lever les yeux, ou mal fait. Assise sur les bords du quai, une jeune fille sanglotait, les genoux serrés, la tête enfouie dans les mains. A certains bref moment elle relevait la tête et laissait apparaitre son visage. Elle avait un véritable visage d'ange, de très long cheveux châtains foncés et lisses, enfin quelque peu emmêlés, des yeux marrons clairs emplis de larmes et laissant couler des gouttes de mascara d'un noir profond, une bouche fine et délicate, des petites tâches de rousseur qui parsemaient ses joues. Peut être bien l'une des plus belles filles que je n'ai jamais vu dans ma vie. C'était une jeune collégienne comme moi, elle avait posé à ses côtés un sac en bandoulière marron, et un manteau épais de la même couleur décoré d'un peu de fourrure industrielle. Si je l'avais remarqué un autre jour, souriante et entourée de gens, j'aurai pu me dire que cette fille vivait une vie paisible, et qu'elle avait sûrement tout pour elle. Mais je la voyais ce jour là en larme, seule au bord d'un quai, et je me disais donc qu'elle avait peut être tout d'apparence, mais pas le plus important. Et je m'imaginais mille et une raison de ses larmes. Un problème familial? Un décès? Une embrouille d'amitié? Un chagrin d'amour? La solitude? Peu importe ce qui lui arrivait, mes larmes montaient au bord de mes yeux aussi vite que les siennes coulaient sur ses joues. J'étais là, sur le quai d'en face, et j'avais les yeux braqués sur cette jeune fille que presque personne ne regardait. J'avais le cœur déchiré, et tous mes moments de solitude et de désespoir me revenaient en mémoire. Je voulais courir vers le quai d'en face, m'assoir à ses côtés, passer ma main autour de ses épaules et lui promettre que quoi qu'il arrive je l'aiderai, seulement si elle arrêtait de pleurer.
Au lieu de ça, je l'ai juste fixé. J'ai imaginé, j'ai vu tout en tête, et le tramway est arrivé soudainement bousculer mes pensées. Il est arrivé devant moi, a ouvert ses portes, et moi, telle un automate vide d'esprit, je suis montée. Je me suis assise à côté de la fenêtre, et je l'ai fixé. Et si je sortais rapidement pour la rejoindre? Trop tard, le tramway est parti, et moi avec. J'ai trop réfléchi, pas assez agit.
la miss amoureuse elisa